A propos de l’égalité de traitement des otages

2 novembre 2013 Non Par Régis Ollivier
Le 01 octobre 2013

Le 01 octobre 2013

Comme je l’indiquais dans ma communication précédente sur les conditions de la libération de nos quatre otages ( il en reste 7), et notamment sur la « concurrence entre la DGSE et une  société privée Amarante, un article du Monde consacré aux «dessous d’une libération». évoque le versement d’une rançon «de plus d’une vingtaine de millions d’euros» et insiste sur le rôle essentiel qu’aurait joué cette entreprise privée de sécurité dont le siège est à Paris ( voir mon article précédent). Une première rançon de quelque 13 millions d’euros avait déjà été versée conjointement par Areva et Vinci pour libérer trois premiers otages, parmi lesquels Françoise Larribe, l’épouse de Daniel.

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La  DGSE, à la tête de laquelle a été placée un proche du Chef de l’Etat, le préfet Bernard Bajolet, (François Hollande avait été accueilli  par le jeune conseiller Bajolet lorsque celui-ci a fait son stage d’énarque durant huit mois en 1978 à l’ambassade de France à Alger) reste un outil  indispensable pour instruire, renseigner, agir dans les affaires d’otages. Mais, il faut bien l’avouer, la DGSE est  désormais en concurrence avec des officines privées. Après  deux échecs, au Niger et au Cameroun, venant en sus  de  la perte d’un agent Denis Allex en Somalie (1),  cela fait en moins d’un an, quelques revers de fortune pour la DGSE.   Or,  la libération des quatre otages d’Arlit a été menée, selon toute vraisemblance,  par Mohamed Akotey,  Nigérien et ancien ministre,  qui dirige une filiale d’Areva au Niger, Imouranen SA.  Le président Issoufou,  on le dit « socialiste très proche du gouvernement français », mais ce n’est pas une tare, en tout cas lorsqu’il s’agit d’aider à sortir des otages de leurs conditions de détentions injustes et  inacceptables,   lui aurait confié le soin de gérer ce dossier. La  rançon a été versée par le Niger et provient en partie de fonds secrets et pour autre partie d’AREVA. – à moins qu’Areva ne se soit assurée auprès d’une société d’assurance britannique telle que la  LLYODS. (2)

Jean-Yves le Drian, quant à lui pilotait de près cette affaire. Le Drian, avec ses nouvelles prérogatives,  est devenu en peu de temps, le monsieur Afrique du Président  ( Mali, libération des otages et bientôt Centrafrique ).   La  DGSE a apporté  un soutien technique. Quel soutien, pour quel engagement ?  Cela restera couvert par le secret défense.  On se souvient, qu’en février dernier la libération de la famille Moulin-Fournier, avait été obtenue grâce à l’aide du Cameroun, du Nigeria et de…  GDF-Suez. On ne paye donc plus de rançon, on les fait payer par d’autres, et singulièrement par des grandes compagnies qui en ont les moyens.  En cette matière comme en d’autres l’hypocrisie est de mise. L’Etat déclare qu’il ne paye pas sauf que l’Etat est actionnaire à 79.6% d’AREVA par l’intermédiaire du CEA – D’ailleurs, un décret de 1983 oblige  le CEA à rester majoritaire dans Areva – Or le CEA c’est l’Etat.  (3)

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Selon Jean Dominique  Merchet toujours bien informé au demeurant : .. « la sécurité des sites industriels d’extraction de l’uranium est assurée par une société concurrente d’Amarante, Epée, dirigée par un ancien officier des opérations spéciales, Jacques Hogard, qui traite directement avec le directeur de la protection d’Areva, le général Jean-Michel Chereau. Un détachement des forces spéciales françaises est basé dans la région pour aider l’armée nigérienne. Le nom d’un autre ancien militaire, Jean-Marc Gadoullet, a été souvent cité : s’il a effectivement participé à la libération des trois premiers otages d’Arlit en 2011, il a été cette fois-ci tenu à l’écart. »

Sans le dire, donc, mais en le faisant,  des sociétés françaises commencent à jouer un rôle important de prévention, de conseil et de protection des grands groupes français et étrangers. Cela donne au moins des possibilités de reconversion pour un certain nombre d’anciens des services spéciaux et du renseignement militaire.   Il faut le reconnaître, la gauche, avec le ministre le Drian semble jouer la carte du pragmatisme et de l’efficacité, en utilisant toutes les voies de contact et de négociation possibles fussent-t-elles étrangères ou privées. Il n’en demeure pas moins qu’il conviendrait de s’interroger sur la pertinence des changements incessants à la tête  de la DGSE et des grands services. Selon JDM « La politique décidée et affichée par François Hollande consistant à interdire le versement de rançons par la France ne facilite pas la tâche de la DGSE, la privant d’un levier essentiel de son action. »

Puisqu’il faut faire semblant de ne pas payer tout en payant, cela complexifie les problèmes en multipliant les intermédiaires, et en engageant des intérêts privés dans la boucle. Diane Lazarevic, la fille de Serge Lazarevic, enlevé au Mali en novembre 2011, accusait le

gouvernement, le mercredi 30 octobre au matin au micro d’Europe 1, de luiavoir « assuré il y a deux mois que s’il y avait libération, il y aurait libération des otages d’Areva et de mon père, le négociateur en place négociait pour les cinq » ; et dénonce une inégalité de traitement dans la négociation pour leur libération.« Mon père est un anonyme [alors que pour] les otages d’Areva, il y a une entreprise derrière, une puissance. » Si bien qu’à l’arrivée, « la priorité était à ces otages-là… »

 

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Serge Lazarevic  et Philippe Verdon en décembre  2011 (4)

Aurait-elle tout à fait tort ? La question mérite d’être posée.  A l’avenir,  les futurs otages sans puissance financière pour payer leur libération seront-ils sacrifiés au nom des grands principes ? Nous serons attentifs aux conditions de libérations des futurs otages. Ceux qui le sont  encore méritent en tout cas  une égalité de traitement. Sans faire de procès d’intention il  convient de rester vigilant. 

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