LIBRE OPINION : Si nous faisions un bilan ?
Par le général Jean Salvan, le 08 septembre 2014
Association de Soutien à l’Armée Française (ASAF)
Il est navrant d’entendre, aux Etats-Unis comme chez nous, des plaisantins soutenir que si nous étions intervenus en Syrie avec nos armées, avions en tête, pour renverser Bachar el Assad et soutenir les « démocrates syriens », tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, et il n’y aurait jamais eu de Daech ou de califat islamique entre l’Irak et la Syrie. Peut-on sérieusement se féliciter de l’intervention occidentale au Kosovo, où nous avons installé dans les Balkans un régime maffieux, où nous avons trahi les Serbes qui furent nos alliés au cours des deux guerres mondiales, et où nous avons créé le précédent qui a permis à Poutine d’intervenir en Ukraine et en Crimée ? Peut-on se féliciter de l’intervention en Libye ? Certes, nos dirigeants avaient des comptes à régler avec Kadhafi. Mais nous avons provoqué l’éclatement du pays et le chaos entre l’Egypte, le Maghreb et le Sahel, amenant dans un premier temps la déstabilisation du Mali. Peut-on encore se féliciter des interventions occidentales en Afghanistan et en Irak ? En Tunisie, le renversement de Ben Ali a permis aux Islamistes de prendre le contrôle d’une partie de l’Etat, de municipalités, et d’installer une guérilla dans le Djebel Chambi : les armées algériennes et tunisiennes ne parviennent pas à l’éradiquer. En Syrie, nous Français, nous avons oublié que les Alaouites nous ont toujours soutenu durant le mandat. Nous les avions sortis d’un statut de parias où ils furent maintenus sous l’Empire Ottoman : ils nous étaient très reconnaissants d’être devenus des citoyens à part entière. Leur religion est un mélange de chiisme et de christianisme : ils fêtent Noël et Pâques. Lors de l’indépendance, le premier soin des Sunnites syriens, soi-disant démocrates dans les milieux bien-pensant parisiens, fut de faire appel à d’anciens nazis pour organiser leur police et leurs services de sécurité. Il y avait eu sept ou huit coups d’état avant la prise de pouvoir par Hafez el Assad. En dépit des processus inquiétants que nous avons vu se dérouler depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas à Gaza en 2006, puis en 2011 en Egypte et en Tunisie, nous avons voulu aggraver le désordre en Syrie.. Quand comprendrons-nous qu’une armée étrangère ou des bombardements ne peuvent installer la démocratie dans le monde musulman ? Quand comprendrons-nous que dans l’action, donc en politique, on n’a jamais le choix entre le bien et le mal, mais entre de mauvaises solutions ? Quand comprendrons-nous qu’un régime autoritaire laïc est préférable à un régime autoritaire théocratique ?
Jean SALVAN Officier général (2S)
Source : Général Jean Salvan
toujours aussi lucide .
Nos chemins se sont croisés plusieurs fois en OPEX. dès le départ vous m’avez inspiré confiance.
Malheureusement les meneurs d’hommes comme vous se font de plus en plus rare.
Vous avez tout-à-fait raison, Mon Général, de tirer les leçons du passé.
Nonobstant votre devoir de réserve, comment estimez-vous les risques et les limites de notre soutien militaire actif aux Kurdes et à l’Irak chiite contre le califat, si l’on exclue toute liaison avec la Syrie, en revendiquant maintenant une coopération avec l’Iran redevenue soudain fréquentable ?
N’est-ce pas un peu tard pour se rallier, après son fiasco, à l’aventurisme américain, même soutenu par quelques puissances régionales ?