Tranches de vie par Régis Ollivier
En exclusivité aujourd’hui, je vous invite à découvrir une nouvelle « tranche de vie ». Certains noms sont imaginaires, en revanche, les personnages de ce roman ou « les héros » comme il est de tradition de dire, ne le sont pas. Néanmoins, toute ressemblance avec d’autres personnages que les miens ne serait qu’une pure coïncidence. Bonne lecture. J’attends vos éventuels commentaires. //RO
Aucun enfant au monde ne devrait être privé de maman…
Il y a plus de fleurs
Pour ma mère, en mon coeur,
Que dans tous les vergers;
Plus de merles rieurs
Pour ma mère, en mon cœur,
Que dans le monde entier;
Et bien plus de baisers
Pour ma mère, en mon cœur,
Qu’on en pourrait donnerJe T’aime MAMAN
Marc Brémont était scotché à son Imac devant cette magnifique photo et ce superbe poème qui l’accompagnait. Il était nostalgique. Plein de tristesse. Il avait reçu ce post peu de temps auparavant et l’avait partagé sur sa page Facebook en l’accompagnant d’un petit commentaire « je n’en ai jamais eu….. partie trop tôt » Et il avait reçu cette non moins splendide réponse de sa grande amie Sissi : » aucun enfant au monde ne devrait être privé de maman… »
La disparition prématurée de sa mère constituait le plus grand malheur de sa vie. Et Dieu sait s’il en a connu d’autres des malheurs. Marc avait trois ans lorsque sa mère l’a quittée à tout jamais. Enfin presque, car à soixante ans, Marc voue un véritable culte à sa maman qu’il n’a donc jamais connue. Son seul trésor : une photo en noir et blanc qu’il a emportée partout dans le monde, à chacune de ses missions. Aujourd’hui encore, cette photo trouve sa place sur sa table de chevet. Il sourit malgré sa tristesse. Sophie, son épouse, avait trouvé que le cadre était trop désuet et lui avait fait la surprise. Un jour, il avait trouvé la photo de sa mère dans un tout nouveau cadre, blanc et gris, que Sophie venait de lui acheter. Adorable Sophie. Elle seule sait le drame intérieur qu’il vit et dont il ne s’est jamais totalement remis. Il a même laissé des directives pour que la photo de sa mère l’accompagne par delà la mort. Cette photo, c’est une très grande partie de sa vie. C’est tout ce qu’il possède de sa mère.
Marc le regrette profondément et culpabilise de n’avoir aucun souvenir de cette période. Pourquoi sa mémoire n’a t-elle rien conservé de cette tranche de vie ? Rien! Le néant. De la même manière, il ne connait pas avec certitude la cause du décès. Sa mère était une femme encore jeune, très jeune, mais elle avait connu de nombreuses grossesses. Trop selon Marc. Ainsi, il était le quatrième de la fratrie, il avait un autre frère derrière lui. Et aussi un demi-frère. Il lui est revenu que sa maman serait décédée en couches. Mais rien de certain. Etrangement, sa soeur ainée n’a jamais réellement souhaité communiquer sur cette tragédie. Marc se dit qu’il faudra, un jour, qu’il questionne sa soeur, au coeur du secret, et qu’elle lui fasse les révélations qui permettront de soulager sa conscience.
Que s’est-il passé dans le couple parental pour que Marc ait, en plus de ses frères et soeurs, un demi-frère, un certain Jean-René ? Il sait que Jean était le prénom du père de cet « intrus ». René étant le prénom que portait sa maman : Renée.
Ses parents devaient être séparés. Le père de Marc avait une réputation d’homme violent et alcoolique. Et Marc n’éprouve aucun sentiment à l’endroit de son géniteur. Ou plutôt si. Il éprouve une violente détestation de l’homme qui s’était remarié avec une femme d’origine algérienne qui l’avait martyrisé et quasiment laissé pour mort juste avant sa fuite du domicile familial. Tandis que son père, à l’occasion, achevait le travail de la marâtre par une volée de coups de pieds alors que Marc gisait au sol en position foetale de défense. Très souvent, pour le punir, sa belle-mère l’enfermait toute une journée dans sa chambre, plongée dans le noir le plus complet. Sans nourriture. Marc se souvient qu’il était obligé de boire sa propre urine. Sa « libération » intervenait juste avant le retour du travail de son père. Fumé comme à son habitude. Il a toujours occulté ces moments terribles par crainte qu’on l’accuse d’affabulation. Tout ceci est pourtant vrai. Tout ceci se terminera dans le sang. Grâce à une intervention de son frère ainé, Marc réussit donc à prendre la fuite à l’issue d’une séance de maltraitances encore plus sévères que les autres fois. Un tisonnier avait en effet remplacé les coups de poings et coups de pieds habituels. Marc trouva refuge à la mairie. Puis il fut placé en orphelinat. A partir de cet instant précis, Marc n’a plus aucun souvenir. Un pan entier de sa vie a totalement disparu de sa mémoire. Consciemment ou inconsciemment.
La famille sera éclatée. Il mettra plus de trente longues années pour retrouver son petit frère. Le dernier des Brémont. Quant à Jean-René, il n’en a plus jamais entendu parler. Aujourd’hui, Marc Brémont ne sait toujours pas où est enterré son père et ne veut pas le savoir.
Marc n’était pas un enfant particulièrement calme. Est-ce ce trait de comportement qui a motivé ce déferlement de violences à son endroit ? Peut-être. Dans ce cas, il serait en partie responsable de son malheur. C’est ce qu’il pense. C’est ce qu’il croit…..
A suivre
Merci pour ton commentaire ma chérie. Je me suis toujours juré que ma famille ne connaitrait pas ce que j’ai connu. C’est peut-être la raison pour laquelle j’ai été et je suis toujours : un papa tolérant quand même. Bisous d’amour. 🙂
Mon Père, aucun enfant n’est responsable des violences faite par les adultes. Aucun enfant ne nait méchant, encore moins mauvais. Tu n’as aucune responsabilité dans ce que tu as subi, même si tu as pu être un enfant difficile, je pense qu’à l’inverse tu étais difficile car, très sensible et intelligent, tu savais que quelque chose ne tournait pas rond dans cette « famille »!! maintenant tu as la tienne de famille, et tu peux en être fière, moi j’ai eu le meilleur papa du monde, et la meilleure maman! je le pense sincèrement, et pour un enfant sans maman, tu t’en est particulièrement bien sorti 🙂
Je réfléchis encore sur ce que j’écrirai et sur ce que je n’écrirai probablement pas. Je pense que l’on ne peut pas tout dire…. Bonne soirée
Je comprends bien cette prudence à l’égard de vos proches car bien sûr, nous devons penser aux conséquences. Ecrire sa vie est une forme de thérapie, chaque vie est unique, nous avons tous des zones d’ombre, de clarté, de souffrances inavouées ou inavouables.
Nous ne pouvons bien sûr blesser ceux que nous aimons mais nous avons le droit de revendiquer notre statut d’humain et de leur apporter de la matière à réflexion quant à leur propre vie. Si je devais écrire ma vie, je la ferais d’abord lire à mon fils avant de la publier.
Bonne journée.
Il semble impossible d’avoir des souvenirs entre sa naissance et 3 ans. J’ai questionné ma fille sur ce point. Elle confirme. J’ai décidé de parler de ces trous de mémoire avec une amie psychologue avant de poursuivre cette difficile introspection. Bonne journée.
On ne s’en remet jamais Mary, je confirme. J’ai 60 ans et aujourd’hui, je suis toujours tourmenté par cette disparition. Ma mère était une femme magnifique. Mais qu’est-ce qu’elle lui a donc trouvé de bien à mon géniteur? Je n’ai pas de mots assez forts pour parler de lui. J’y reviendrai certainement dans d’autres tranches de vie à venir. Sauf si j’arrête ces publications. Car c’est très intime quand même et je parle de ma famille sans même les avoir consulté à ce stade. Bonne journée et merci pour votre fidélité qui me fait grand bien. 🙂 Régis
On ne se remet jamais totalement de son enfance. Nul enfant ne se remettra jamais totalement de la perte prématurée de sa maman. Le savoir est déjà un grand pas. Le grand Tolstoï avait perdu sa mère à l’âge de 7 ans. Toute sa vie, il en a recherché la tendresse. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Bonne journée.
Est-il possible d’avoir des souvenirs de l’époque où on avait trois ans?