Le Colonel

« Ça me fait de la peine, mais il faut que je m’en aille »

Régis Ollivier – Le 8 septembre 2025

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8 septembre 1952 – 8 septembre 2025. Je vous rassure, ceci n’est pas une rubrique nécrologique. Quoi que…! Ce jour est symbolique. D’abord parce que notre cher, très cher premier ministre Francois Bayrou s’est fait désavouer. Ensuite parce que c’est mon anniversaire. J’ai horreur de mes anniversaires et ça fait 73 ans que ça dure.

J’ai choisi ce jour pour publier ce billet que j’avais sous-coudé depuis quelques jours.

Sans tambour ni trompette. Sans fleur ni couronne. Ainsi soit-Il.

Adieu veaux, vaches et cochons. Clap de fin. Baissé de rideau.

Je suis de cette génération qu’on appelle désormais « boomers ». Terme Ô combien méprisant. Nous avons pourtant donné, porté, construit. Aujourd’hui, nous ne sommes plus en odeur de sainteté. On pue même. J’en ai pris acte.

J’ai donc décidé de me retirer. Comme on le fait lors d’un coït interrompu. Cette méthode que l’homme doit maîtriser en ayant une parfaite connaissance de son propre corps afin de se « retirer à temps. Avec panache. Non pas dans le silence, mais dans la paix. Auprès de mon épouse, l’amour de ma vie, depuis 46 ans, auprès des miens, de proches, d’amis, à vaquer à d’autres occupations. Ce monde n’est en effet plus le mien. Mais je reste debout.

Pour la suite, car je ne suis pas mort pour autant, ce sera « Au gré de mes humeurs ». Écrire pour moi, pour les miens, pour ceux qui voudront bien me lire. Simplement. Humainement. Sereinement. En paix avec moi.

Le Colonel vous salue bien

Et en prime, cet intermède musical que seuls les plus de 60 ans pourront apprécier et comprendre :

Georges Bernanos

Le Colonel et le Rebelle : à la manière de Bernanos

Quand l’engagement n’est plus une posture, mais une condition de l’âme.

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« L’enfer des gens de bien, c’est l’indifférence. » (Bernanos)

Bernanos ne supportait pas la tiédeur. Il pourfendait les lâches, les mous, les planqués de la pensée. Ceux qui, sous prétexte de prudence ou de réalisme, laissent les choses se faire, en espérant ne pas être emportés dans la chute.

Je suis fait du même bois. Je n’ai jamais supporté qu’on baisse les yeux ou qu’on se couche sous prétexte que c’est plus simple ainsi. L’indifférence tue plus sûrement qu’un tir ennemi. Elle désarme l’âme. Et je refuse de vivre désarmé.

« Ce monde est un complot permanent contre toute forme de vie intérieure. » (Bernanos)

Bernanos avait compris que le danger ne venait pas seulement des dictatures visibles, mais de cette tyrannie molle, insidieuse, qui vous invite à penser comme tout le monde, à vivre sans hauteur, à accepter l’inacceptable pour ne pas déranger.

Moi aussi, je mène une guerre. Une guerre d’alerte. Contre la normalisation du renoncement. Contre ce monde anesthésié, où l’on fabrique des hommes dressés, mais plus aucun homme debout.

« L’art de plaire est le contraire de celui de dire la vérité. » (Bernanos)

Ni lui ni moi ne cherchons à plaire. Bernanos écrivait avec le glaive. Chaque phrase était un coup d’épée contre la médiocrité. Une fulgurance. Une claque.

Ma plume suit la même logique. Elle ne flatte pas. Elle secoue. Elle irrite parfois – tant mieux. Elle rappelle à ceux qui dorment que le monde ne les attendra pas. Et qu’en période de naufrage, il vaut mieux parler clair que faire de la poésie d’ambiance.

« Le monde moderne n’exige pas que vous pensiez, mais que vous répétiez. » (Bernanos)

Bernanos a souvent marché seul. Il s’est brouillé avec ses amis, ses soutiens, son époque. Mais il est resté fidèle à sa conscience.

Je connais cette solitude-là. Elle ne me pèse pas. Elle me libère. Je ne cherche pas la compagnie des flatteurs ni l’onction des puissants. J’ai choisi la voie du veilleur. Celle du Colonel sans armée, mais pas sans convictions.

« La France n’est pas un pays comme les autres. C’est une personne. » (Bernanos)

Il avait raison. La France n’est pas une structure administrative. Elle n’est pas un pays de paperasse et de slogans.

Elle est une voix. Une histoire. Une flamme. Et cette flamme vacille aujourd’hui.

Alors, à ma manière, je veille sur elle. Pas comme un fonctionnaire de la mémoire. Mais comme un fils qui, voyant sa mère s’éteindre, refuse de se contenter de l’agonie silencieuse.

Je ne suis pas Georges Bernanos. Et je n’essaie pas de l’imiter. Mais je reconnais en lui un frère d’âme. Un compagnon d’insolence, de gravité, et de vérité.

Nous partageons cette blessure secrète des hommes lucides : celle de voir venir l’abîme, de le dire, et d’être moqués pour cela.

Mais qu’importe.

Il vaut mieux se tromper en résistant que réussir en renonçant.

Je marche avec cette phrase gravée dans le cœur. Et à défaut d’être entendu, je persiste à écrire. Parce que je sais qu’un mot juste peut traverser les siècles. Comme ceux de Bernanos, qui me parlent encore aujourd’hui.

Et peut-être, un jour, mes mots parleront à leur tour… à un autre veilleur. 

Le Colonel vous salue bien