Régis Ollivier – Le 17 mars 2025

Macron propose les Rafale face aux F_35 et le SAMP/T face aux Patriots
Il y a des déclarations qui, sous des allures anodines, en disent long sur la trajectoire d’un homme. Ainsi, Emmanuel Macron a affirmé que les pays qui achètent des systèmes Patriot américains devraient plutôt envisager le système franco-italien SAMP/T, et que ceux qui lorgnent sur les F-35 américains feraient bien de considérer le Rafale.
À première vue, on pourrait y voir une simple opération commerciale, un coup de pouce bienvenu à la base industrielle et technologique de défense française. Mais ce serait une lecture naïve. Ce genre de propos cache une posture plus large, plus inquiétante même : celle d’un président obsédé par l’idée d’imposer sa vision, quoi qu’il en coûte, au détriment des équilibres stratégiques patiemment construits depuis des décennies.
Le syndrome du chef d’orchestre sans orchestre
Depuis le départ d’Angela Merkel, Emmanuel Macron s’imagine chef d’une Europe qu’il serait le seul à pouvoir incarner. Dans son esprit, il faut rompre la dépendance atlantiste, réorienter l’Europe vers une autonomie stratégique… et, bien sûr, placer la France au centre de ce dispositif. Quitte à froisser, bousculer, imposer.
Proposer aux alliés européens de délaisser les F-35 ou les Patriots, c’est oublier une réalité incontournable : beaucoup de ces pays ont intégré depuis longtemps leurs armées dans l’écosystème américain via l’OTAN. Leur demander de tout casser pour acheter du matériel français revient à vouloir changer les règles du jeu à mi-partie. Sans consensus, sans concertation.
Un chef d’orchestre sans orchestre reste un homme seul.
Le calcul économique masqué
Derrière cette posture, il y a aussi une évidence économique. Le Rafale, fleuron technologique, est une formidable vitrine du savoir-faire français. Chaque contrat se chiffre en milliards. Chaque avion vendu entraîne maintenance, formation, munitions, partenariats durables. Macron sait qu’en vendant du Rafale, il vend aussi une sphère d’influence, un lien d’allégeance discret mais solide.
Mais à force de penser court-termisme économique, on oublie la géopolitique de long terme : les États-Unis n’abandonneront pas leur position dominante sans réagir. Et les partenaires européens n’apprécient guère qu’on leur torde le bras sous couvert de patriotisme industriel.
L’homme qui veut laisser sa trace
Ce qui m’inquiète dans cette déclaration, c’est ce qu’elle révèle d’un tempérament. Macron est prêt à tout pour apparaître comme l’homme providentiel, celui qui aura redressé l’Europe, relancé la puissance française, inscrit son nom dans les livres d’histoire. Quitte à forcer le destin, quitte à bousculer l’ordre établi. Quitte, peut-être, à commettre l’irréparable.
Un homme qui n’écoute plus, qui impose, qui mise sans filet, finit toujours par entraîner les autres dans sa chute.
Une Europe fracturée, des alliances fragilisées
Les alliés européens voient déjà d’un œil sceptique les leçons de morale venues de Paris. Les pays d’Europe centrale, notamment, n’apprécient guère cette arrogance bien française. Les États-Unis, eux, observeront attentivement : ils ne laisseront personne remettre en cause leur hégémonie sans coup férir.
Macron joue un jeu dangereux. À force de vouloir tout recentrer autour de lui, il risque d’isoler la France, d’agacer ses partenaires, et de nous entraîner dans une spirale où le « quoi qu’il en coûte » pourrait finir par coûter… très cher.
Mots clés : Rafale, F-35, Macron, autonomie stratégique, défense européenne, SAMP/T, Patriot, géopolitique, industrie de défense, OTAN, France, Europe