
Régis Ollivier – Le 18 mai 2025
Le projet de loi sur « l’aide à mourir » actuellement en discussion à l’Assemblée nationale ne tombe pas du ciel. Il s’inscrit dans une longue tradition idéologique, où la mort n’est plus un mystère sacré, mais un « droit » à administrer. Le rapporteur du texte, Olivier Falorni, député radical, en est l’illustration parfaite : franc-maçon revendiqué, il incarne cette ligne de fracture entre une République enracinée et une République hors-sol.
Derrière les formules apaisantes, « accompagnement », « dignité », « ultime liberté » se cache un basculement éthique majeur. Pour la première fois, l’État envisagerait de légaliser une injection létale en réponse à une souffrance humaine. Une transgression absolue pour les uns, un progrès humaniste pour les autres.
Mais il serait naïf de croire à une simple évolution des mentalités. Les loges maçonniques, et notamment le Grand Orient de France, militent depuis des décennies pour une telle réforme. Elles défendent une vision du monde fondée sur l’autonomie individuelle absolue, détachée de toute transcendance, de toute racine spirituelle ou communautaire. Le lien entre cette loi et l’idéologie maçonnique n’est pas supposé : il est avéré, assumé, revendiqué.
Mais au-delà des loges, une autre réalité bien plus sombre plane sur ce débat : la manipulation des mots pour dissimuler la gravité des actes.
Olivier Falorni, rapporteur général du texte, rejette le mot euthanasie, trop chargé historiquement, pour lui préférer l’expression douce et feutrée d’« aide à mourir ». Il va jusqu’à convoquer le régime nazi pour expliquer son refus lexical, comme pour s’en laver les mains : « Le régime nazi a utilisé ce mot de façon abjecte pour organiser un assassinat de masse des personnes handicapées. Je crois que personne, dans cette salle, n’imagine que l’idée d’euthanasie tel qu’il a été envisagé et pratiqué par le Troisième Reich puisse effleurer le moindre cerveau. »
Pourtant, c’est bien dans l’Allemagne hitlérienne que l’euthanasie moderne prend racine.
Le programme T4, lancé en 1939, visait l’extermination des handicapés, des malades incurables, des « inutiles » à l’effort de guerre. Cette politique s’appuyait sur des questionnaires remplis par des médecins, des hôpitaux, des institutions psychiatriques. En moins de deux ans, 70 000 personnes furent ainsi mises à mort par gazage ou injection. Hitler, lui aussi, rechignait à utiliser le mot euthanasie : il préférait celui de « mort miséricordieuse ».
Aujourd’hui, en France, le même processus sémantique est à l’œuvre : on gomme les mots pour mieux anesthésier les consciences. Euthanasie devient aide, la piqûre devient un soin, la fin de vie devient une liberté nouvelle.
Ce n’est plus un simple débat médical. C’est une bataille de civilisation. D’un côté, ceux qui considèrent la vie comme un bien sacré, même fragilisé. De l’autre, ceux pour qui l’homme, maître de lui-même, peut décider du moment et des conditions de sa disparition, avec l’onction bienveillante de la République.
À travers ce projet, la République fraternelle cède la place à une République technicienne, où la compassion devient procédure et l’euthanasie, un acte citoyen. Faut-il s’en féliciter ? Ou s’en alarmer ?
Quand la novlangue maquille la mort, il ne s’agit plus de légiférer. Il s’agit de résister.
Le Colonel vous salue bien.