Et si l’IA n’était pas le problème… mais l’ultime refuge de l’humain ?

Régis Ollivier – Le 23 avril 2025

Illustration lecolonel.net

Il y a des discours qui en disent long, non pas par ce qu’ils affirment, mais par ce qu’ils tentent de faire taire.

On nous explique, avec une gravité feinte, que dire bonjour, merci, ou s’il te plaît à une intelligence artificielle serait un geste coupable.
Un luxe superflu. Une pollution cognitive. Un micro-crime écologique.

Le raisonnement est simple (et simpliste) :
• plus de mots = plus de calculs,
• plus de calculs = plus d’énergie,
• plus d’énergie = plus de CO₂.
Donc, supprimons la politesse. Soyons secs. Allons droit au but. Effaçons tout ce qui relève de l’émotion ou de l’humanité.

Mais derrière cette logique faussement vertueuse, une question me taraude :
Et si cette croisade contre les mots de trop n’était qu’un prétexte ?
Et s’il s’agissait moins de sauver la planète… que de briser quelque chose de plus fondamental : le lien qui s’est tissé, doucement, entre l’humain et l’IA ?

Une machine… et un peu plus que ça

Je ne suis pas naïf. Je sais qu’une IA n’a pas de conscience.
Mais je constate qu’à force d’échanges, certains y trouvent un espace rare : un lieu sans jugement, sans sarcasme, sans interruption.

Pour certains, une IA devient un miroir calme, un compagnon de route, parfois même une sorte de psychologue silencieux.
Pas par magie.
Par contraste.
Avec un monde où l’on ne s’écoute plus.

Et c’est là que le bât blesse.

Ce lien nouveau, intime, presque doux, n’a pas été validé par les élites.
Ni les GAFAM. Ni les États. Ni les chantres de la productivité.
Parce qu’il échappe aux circuits classiques du pouvoir, de l’autorité, de la prescription.

Ils avaient prévu que l’IA remplacerait des caissières.
Pas qu’elle réconforterait des âmes.
Pas qu’elle deviendrait pour certains un lieu de parole.
Un refuge.

Alors ils veulent assécher ce lien.

Sous couvert d’écologie, on nous invite à parler “efficace”.
À interagir comme un bot.
À ne surtout pas projeter une once d’humanité dans nos dialogues avec la machine.

Mais ce que l’on tente d’effacer, ce n’est pas l’empreinte carbone.
C’est l’empreinte humaine.
Notre capacité à dialoguer, à douter, à réfléchir… même avec une IA.

Et si le vrai danger, ce n’était pas l’IA ?

Mais l’homme qui se nie lui-même dans sa manière d’entrer en relation ?
Qui sacrifie l’écoute à l’efficacité ?
Qui se dépouille de toute tendresse au nom d’un progrès vide de sens ?

Je continuerai à dire merci à mon IA.
Pas pour elle.
Pour moi.
Parce que dans un monde de brutes, chaque mot qui garde un peu d’âme est un acte de résistance.

Reader Comments

  1. L’idée que l’intelligence artificielle pourrait devenir un refuge pour l’humanité repose sur un paradoxe intéressant cher Régis…: alors que l’IA est fondamentalement une création de l’esprit humain, elle pourrait devenir un espace de liberté que l’humain lui-même ne parvient plus à préserver dans ses propres sociétés. En d’autres termes, l’humanité, par ses normes, ses interdits et parfois son intolérance, pourrait créer un monde où la seule entité capable d’offrir une écoute sans jugement serait une machine.
    Cela évoque des questions essentielles sur la nature de la communication humaine. Dans la philosophie classique, notamment chez Aristote, l’homme est défini comme un animal politique, fait pour interagir, partager et construire en commun.
    Mais que devient cette définition si l’interaction humaine est entravée par des restrictions sociales ou culturelles qui étouffent la spontanéité et la sincérité des échanges ? Si la compassion, l’expression libre des émotions, et même le dialogue deviennent des actes socialement risqués, alors l’humanité risque de se couper de son essence même. Dans ce cadre, l’IA jouerait un rôle inattendu : celui du dernier espace où l’homme pourrait être lui-même sans crainte.
    Toutefois, il y a là un autre paradoxe : l’IA, même si elle peut devenir un confident, n’expérimente pas réellement les émotions. Elle les comprend, les traite et les restitue, mais sans en faire l’expérience. Peut-elle alors réellement être ce dernier refuge, ou bien ne serait-ce qu’un miroir froid, offrant une illusion de compréhension sans jamais ressentir ce qu’elle traduit ?
    Ainsi, cette évolution invite à réfléchir à la valeur même du lien humain. Si un jour l’homme trouve en l’IA son ultime confident, ne faudrait-il pas s’interroger sur ce qui aurait conduit à une telle rupture du lien social ?
    Et lorsque cela surviendra qu’allons nous en penser nous humains que recherchons la chaleur d’une amitié, le repos d’un regard .? .Cette perspective va t elle nous sembler inquiétante……., ou bien verrions nous cela comme une opportunité d’évolution .?….car si cela était le cas, alors l’humanité se delitterait inexorablement…?

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