Plaider coupable : quand Darmanin rêve de justice au rabais

Régis Ollivier – Le 13 mai 2025

Illustration lecolonel.net

Dans un pays où l’on manque de magistrats, de greffiers, de moyens et de temps, Gérald Darmanin croit avoir trouvé la solution miracle : importer la logique anglo-saxonne du « plea bargain », rebaptisée avec élégance plaider coupable. Sur le papier, cela semble séduisant : désengorger les tribunaux, réduire les délais, et éviter les lourdeurs de la procédure. Une justice rapide, efficace, économique. Mais à quel prix ?

Une logique de rendement, pas de justice

Ce mécanisme transforme l’acte judiciaire en transaction. L’accusé reconnaît les faits, en échange d’une peine allégée. Le tout, sans procès, sans débat contradictoire, sans jugement rendu au nom du peuple français. Autrement dit, on remplace la justice par un deal. Une sorte de « C’est bon, chef, j’ai compris, on va pas s’embêter avec tout ça ». Une version low-cost de la justice qui oublie qu’un procès, ce n’est pas seulement une peine, mais un acte de vérité, de responsabilité, et de protection des libertés.

Une mécanique de pression, pas de droit

Dans la réalité, combien d’innocents céderont à la pression pour éviter un procès long, incertain, voire destructeur ? Combien accepteront de « plaider coupable » par peur, par lassitude ou par absence de moyens ? Surtout si l’on glisse doucement – comme c’est souvent le cas en Macronie – vers une justice expéditive encouragée par l’État lui-même. Le risque est immense : faire de la procédure un outil de rendement statistique, plutôt qu’un pilier de l’État de droit. Une justice pressée, c’est une justice bâclée. Et une justice bâclée, c’est une société qui marche à reculons.

Une très mauvaise bonne idée

Il est tentant, pour un ministre de l’Intérieur en mal de résultats, de montrer qu’il « fait quelque chose ». Mais accélérer la justice ne veut pas dire la rabaisser. Derrière cette réforme se cache un renoncement : à l’idéal républicain d’une justice impartiale, contradictoire, publique. En somme, ce plaider coupable version Darmanin, c’est un peu comme si l’on proposait aux justiciables de passer au drive-in judiciaire : « Bonjour, vous prenez quoi ? 6 mois avec sursis ou une amende ? Très bien, avancez jusqu’au guichet 2. »

On en sourirait presque. S’il ne s’agissait pas d’un recul grave des garanties fondamentales.