Régis Ollivier – Le 06 mars 2025
L’intervention d’Emmanuel Macron hier soir a confirmé une tendance désormais bien ancrée dans son mode de gouvernance : une hyper-présidence où le chef de l’État décide seul, impose sa vision et réduit les contre-pouvoirs à de simples spectateurs disciplinés. À l’international, sa posture de chef de guerre lui confère un certain poids, mais en France, il apparaît de plus en plus comme un Deus inter pares, voire un Deus tout court, trônant au sommet d’une pyramide où même les généraux n’ont plus voix au chapitre.
Macron, l’homme seul aux commandes
Depuis 2017, Emmanuel Macron cultive l’image du président omniscient et omnipotent. Il a centralisé tous les pouvoirs, court-circuité la vie parlementaire à coups de 49.3 et marginalisé jusqu’à son propre camp. Avec son discours martial, il pousse cette logique à l’extrême : c’est lui, et lui seul, qui incarne la réponse française à la menace de guerre en Europe.
Alors que le pays traverse une crise sociale et économique majeure, le président détourne l’attention en jouant sur la peur, instaurant un climat d’urgence où seule une autorité forte et verticale pourrait nous sauver du chaos. Rien de nouveau sous le soleil : c’est une stratégie vieille comme le monde. Face à une menace extérieure, on renforce le pouvoir exécutif, on serre les rangs, et on exige de la population qu’elle se mette en ordre de bataille, sans poser trop de questions.
Mais cette vision guerrière de la politique a une conséquence directe : l’effacement des contre-pouvoirs, y compris dans les domaines où le débat devrait être essentiel, comme la stratégie militaire et la dissuasion nucléaire.
Où sont les généraux ?
Traditionnellement, les militaires sont des conseillers du pouvoir politique, garants d’une approche réaliste et pragmatique des conflits. Mais avec Macron, les généraux semblent relégués au rang d’exécutants silencieux, le petit doigt sur la couture du pantalon. Ce n’est pas eux qui imposent une doctrine militaire adaptée aux réalités du terrain, mais bien le président qui dicte la ligne, seul dans son palais élyséen.
L’élargissement potentiel du parapluie nucléaire français en est un parfait exemple.C’est une décision stratégique majeure, qui engage non seulement la France, mais aussi l’Europe entière. Un choix d’une telle ampleur devrait faire l’objet d’un véritable débat national et parlementaire, et non être annoncé dans un discours, comme un simple effet de manche.
La dissuasion nucléaire n’est pas un jouet politique, c’est l’ultime garantie de la souveraineté d’un pays. Ce n’est pas un drapeau que l’on brandit à la légère pour se donner une stature internationale. Pourtant, Macron l’utilise comme un levier politique, sans réelle concertation, en décidant seul ce qui doit être fait.
Macron grandit-il après ce discours ?
La question mérite d’être posée. Sur la scène internationale, il marque des points. Face à un Joe Biden affaibli et un Donald Trump de retour, il s’impose comme un pilier de la défense européenne. En Ukraine, son soutien est apprécié, et les États-Unis voient en lui un allié stratégique.
Mais en France, c’est une autre histoire. Sa posture martiale inquiète plus qu’elle ne rassure. L’opposition dénonce un président va-t-en-guerre, totalement déconnecté des préoccupations des Français. Ce discours, censé montrer sa force, pourrait au contraire renforcer son isolement, tant il apparaît de plus en plus coupé des réalités nationales.
Derrière l’image du stratège, il y a un risque majeur : celui de la solitude du pouvoir. Un président qui ne consulte plus, qui ne débat plus, qui impose sans contradicteur ni garde-fou, c’est un président qui s’expose à des erreurs stratégiques aux conséquences lourdes.
De Jupiter à Bonaparte ?
Macron aime se voir en Jupiter, au-dessus de la mêlée. Mais son évolution récente le rapproche davantage d’un Bonaparte en quête de légitimité par la guerre. L’histoire a montré que ces postures autoritaires peuvent fonctionner un temps, mais finissent toujours par atteindre leurs limites.
La vraie question est donc la suivante : jusqu’où ira-t-il dans cette logique ? La guerre – ou du moins la menace de guerre – devient un levier de pouvoir, une justification pour un exécutif toujours plus fort, toujours plus solitaire.
Un pouvoir fort peut être efficace. Mais un pouvoir sans garde-fou, sans contradiction, et sans débat réel ? C’est une pente dangereuse. Et dans cette pente, Macron n’a jamais été aussi seul.
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